QUE SE PASSE-T-IL AU BRÉSIL?

L’arrestation de Heiko et Natasha : tous les faits, avant, pendant et après

Manaus, Brésil, le 29 septembre, 2008, lire à la page suivan

 

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La une d’Em Tempo, à Manaus, titrait « Biopirateria », alors qu’aucun des 3 chefs d’accusation de la PF ne concernait la biopiraterie et que ma présence au Brésil n’avait rien de bien extraordinaire (juste un voyage parmi les plus de 400 entrepris là-bas) – comme c’est de notoriété publique un peu partout et en particulier au Brésil.
De plus, sur cette la photo en une, l’attention n’est pas attirée sur les quelques poissons morts, mais sur l’insigne bien ostensible de la PF. Il est évident que le souci majeur était de désigner les « gentils » (faute d’avoir vraiment autre chose à montrer)…  

 

Commentaires dans le monde…

 

Bio-piraterie ou fondement de la science ? (en anglais)…

L’arrestation de Heiko et Natasha : tous les faits, avant, pendant et après

Manaus, Brésil, le 29 septembre 2008, à lire en page suivante… 

 

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La une d’Em Tempo, à Manaus, titrait « Biopirateria », alors qu’aucun des 3 chefs d’accusation de la PF ne concernait la biopiraterie et que ma présence au Brésil n’avait rien de bien extraordinaire (juste un voyage parmi les plus de 400 entrepris là-bas) – comme c’est de notoriété publique un peu partout et en particulier au Brésil.
De plus, sur cette la photo de la une, l’attention n’est pas attirée sur les quelques poissons morts, mais sur l’insigne bien ostensible de la PF. Il est évident que le souci majeur était de désigner les « gentils » (faute d’avoir vraiment autre chose à montrer)… 

 

Les faits :
Du 2 au 24 août, nous explorâmes 3 régions différentes d’Amazonie  et ne revînmes à Manaus qu’à minuit, dans la nuit du 28 au 29 août, accompagnés de 4 amis, retardés par une aventure cauchemardesque à Fonte Boa.
En effet, sur le chemin du retour de notre dernière expédition sur le haut Rio Jutaí, on nous avait appris dans la ville de Jutaí qu’il n’y avait plus de carburant pour rallier en bateau Fonte Boa, en descendant le Solimões. Nous étions le 26 et notre vol bihebdomadaire devait quitter Fonte Boa, le 27, à 15 h 30. Il nous fallait attendre 12 heures et nous ne fûmes en mesure de partir pour Fonte Boa que le 27 au matin. Les deux villes sont très éloignées et nous n’arrivâmes à Fonte Boa qu’à 14 h 30, sur le terrain d’aviation à 14 h 45. La petite station de l’aéroport ne disposait pas du téléphone, d’aucune commodité d’aucune sorte et la piste était seulement faite pour de petits avions. Il y avait là une employée de la Compagnie Trip (la seule à voler ici), Rosaline. Bien que l’avion ne fût pas encore là, elle m’affirma que nous étions trop en retard et qu’elle ne pourrait rien y faire. Nous avions réservé quinze jours plus tôt, en avions la preuve imprimée et tout était déjà payé. En dépit de tout cela, du fait que quatre d’entre nous devaient prendre à Manaus des vols à destination de l’Europe, et que le prochain vol pour Manaus n’était pas prévu avant quatre jours, elle ne voulut rien savoir. En scooter (la moto-taxi des locaux), je me rendis dans le village distant, au bureau de la compagnie et j’obtins du responsable l’accord pour monter à bord, ajouté au conseil de me hâter parce que l’avion atterrissait. Muni de cette autorisation, je retournai à l’aéroport et déboulai à 15 h 15 sur la piste, où l’avion avait déjà activé l’un de ses moteurs. Je criai en direction de l’employée de la Trip et tentai de faire signe au pilote – ayant une licence de pilote, je savais qu’il pouvait encore nous embarquer. Mais je me retrouvai retenu par deux gaillards, tandis que la garce de la Trip, qui avait refusé de nous admettre à bord, se servait du téléphone portable de quelqu’un pour appeler la police. Sans doute parce que je l’avais prévenue que je me plaindrais à la direction (et parce que, comme j’en étais presque sûr, elle avait revendu nos places en empochant l’argent, elle souhaitait maintenant faire diversion). Un policier de la P.F. (Policia Federal) arriva quelques minutes après le départ de l’avion et m’emmena au bureau de police de Fonte Boa. Il n’y avait pas de Delegado, il dormait chez lui (à 16 h). Je devais attendre une heure. Pendant ce temps, l’agent de la P.F. avait déniché dans le Code une loi qui me rendait passible de deux ans de prison pour avoir envahi l’aéroport et violé son dispositif de sécurité… (jusqu’à ce jour, Fonte Boa ne disposait pas d’un « aéroport », que je n’avais en outre jamais envahi et, enfin, de quel dispositif de « sécurité » parlait-on ?!). Lorsque le Delegado apparut, il refusa de m’écouter (ni de m’interroger), tout comme l’agent de la P.F. qui n’avait écouté que la préposée de l’aéroport et qui prétendait au Delegado « que je me trouvais devant l’avion et que je le retenais les bras en croix » ! À ces mots, j’ai hurlé dans sa direction : « Vous mentez ! Comment pouvez-vous dire ça alors que vous n’étiez pas à l’aéroport et que j’ai 5 témoins qui ont vu ce qui s’est passé ? ». Mais au lieu d’admettre son mensonge, il me jeta en prison où la force spéciale de la P.F. était sur le point d’achever un prisonnier, en ne cessant de le battre. J’ignore ce que ce pauvre gars avait fait, mais en plus, il y avait dans l’air un gaz qui me suffoquait : j’avais peine à respirer et hurlai jusqu’à ce qu’ils me sortent de là.

 

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De même, dans les pages intérieures, c’est à nouveau la supposée « Biopirataria » que l’on souligne. L’article commençant par ces mots : « … la police a réussi un coup en matière de biopiraterie… », avant de resservir cette histoire vieille de plus d’un siècle des semences de l’arbre à caoutchouc, Hevea brasiliensis, emportées par l’Anglais Henry Wickham en 1876 et assurant en suivant la prospérité de la Malaisie qui les mit en culture – en occultant toute la biopiraterie des Brésiliens eux-mêmes, qui en ramenant des semences d’autres pays, les ont appauvris, tel que c’est arrivé avec le grain de café d’Éthiopie et les semences de manguier d’un autre pays africain (bien misérables à ce jour), et plus récemment la fève de soja. Mais ce ne sont pas des nouvelles intéressantes ; mieux vaut parler de quelques poissons morts – non exclusivement brésiliens et originaires en partie de Colombie, ce que personne ne signale… 

 

Natasha avait trouvé un avocat local et je fus finalement relâché au bout de quatre heures, suite à la requête déposée auprès du juge de l’endroit. En fin de compte, le juge exigeait près de 3 000 reais, l’avocat 1 250, soit un total d’environ 2 000 euros, sans reçu en retour et avec pour facture d’avocat une note sans aucun détail ni justificatif. L’argent devait s’envoler ailleurs, j’en suis convaincu… comme cela s’était passé avec notre vol payé pour Manaus.

Le lendemain matin, je découvris qu’un avion postal devait atterrir à 8h30 et nous nous rendîmes tous à l’aéroport de Fonte Boa. Malheureusement, l’avion était petit et à nous six, nous étions trop nombreux pour monter à bord ; en outre, il partait dans une autre direction. Mais le pilote me reconnut et me déclara : « Voce é o famoso Heiko Bleher, eu li os seus livros e revistas, todos seus articulo, tem que me da um autografo… ». Je lui offris l’autographe demandé et il me promit en retour de me faire arriver à Manaus le jour même.
Nous passâmes presque toute la journée à patienter dans l’aéroport. Mais tard dans la soirée, nous nous envolâmes bien sur un charter d’Amazonavas jusqu’à Tefé, puis jusqu’à Manaus, pour 4 d’entre nous, qui devions voler vers l’Europe le lendemain. Nous y arrivâmes vers minuit.

À ce stade-là, il me faut également mentionner qu’en mars 2008, le directeur du marketing d’Amazontur (l’agence officielle du tourisme pour l’état d’Amazonas), le Dr. George Melo Barreto, m’avait invité pour réaliser un site web en 10 langues pour eux, dans l’intention de promouvoir le tourisme dans cet état. Le tourisme possède dans l’état d’Amazonas un potentiel aussi fort qu’il est inexistant, comparé à d’autres régions du Brésil ou de l’Amérique du Sud. Nous créâmes ainsi une présentation de qualité, unique en son genre (vous pouvez voir une partie de ce travail sur : http://www.webag.it/amazon/ ; et ce travail fut accepté fin juillet, y compris sur son volet financier de 49 000 euros). Le 1er août, nous (le staff d’Amazontur, Natasha et moi-même) nous rencontrâmes à Manaus pour conclure la majorité des derniers arrangements et nous repartîmes, le projet validé. Si j’avais été choisi, c’était parce qu’ils appréciaient mon site web et le Governo do Estado do Amazonas avait compris qu’avec mes livres, mes nombreuses publications et les centaines de conférences données partout dans le monde, j’en connaissais plus sur l’Amazonie que la plupart. Ils savaient aussi que mes archives comptent plus de 2 millions de photos d’Amazonie, garantes du meilleur site web possible (Amazontur ne possédant des droits que sur quelques mille photos) et de la meilleure promotion du tourisme amazonien. Pour commencer, j’avais bâti le site sur 15 destinations, dont certaines permettant l’écotourisme, et qui mettaient à l’honneur : l’observation des oiseaux et de la vie sauvage, les sites culturels, les lieux du patrimoine, les manifestations et les festivités, la pêche, la culture culinaire, etc., etc. Et à l’occasion de mon imminente expédition dans 3 zones inexplorées, j’avais l’intention de mettre à jour l’information sur ces régions isolées de l’état d’Amazonas, dans une visée touristique centrée sur leur vie sauvage, leur flore, leur nature au-dessus et au-dessous de l’eau, et leurs poissons. Pour le site Internet, nous avions convenu d’y intégrer ces derniers (et pas seulement pour les pêcheurs déjà installés) avec leurs noms corrects, puisque leur brochure, ainsi que la liste de l’IBAMA, comportaient beaucoup de noms non valides et de mauvaises identifications. En effet, personne ne se préoccupe de corriger ces erreurs que je signale depuis 5 ans déjà (à l’IBAMA) et qui suscitent de sérieux problèmes dans le commerce du poisson ornemental et chez les exportateurs locaux. Il est arrivé à des innocents d’être arrêtés par la P.F., simplement parce que cette dernière, totalement ignorante sur le sujet, se contente de chercher des noms fantômes sur la liste erronée de l’IBAMA, sans vérifier quoi que ce soit. Aujourd’hui, par exemple, un exportateur est poursuivi depuis quatre ans simplement parce qu’une espèce de poisson bien connue s’est vue attribuer un nouveau nom de genre et que la Policia Federal a interprété cela – jusqu’à ce jour – comme de la « biopiraterie ». Et il n’y a pas d’espoir pour que cesse de sitôt cette position ridicule de la P.F. et ses accusations. Pas plus qu’il y en a à attendre que cessent le gaspillage de l’argent de l’État et du gouvernement fédéral, dû à cette ignorance. Puisque c’est le contribuable qui paye l’addition…

 

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À nouveau, on constate que « Biopirateria » doit faire vendre (nous poursuivons d’ailleurs le journal et la P.F. pour ces allégations mensongères) et la « pêche illégale » faire sensation, mais il faudrait encore que l’accusation tienne debout. Ci-dessous, la légende de la photo relève du mensonge pur et simple : où est le GPS évoqué (et que nous n’avons jamais eu) ? On ne montre ici que nos sacs de couchage, nos hamacs, bref le matériel de camping que tout écotouriste emporte, ainsi qu’un ordinateur portable, du matériel photographique et des carnets de notes. La PF envisagerait-elle d’interdire désormais à chaque touriste de détenir un appareil photo, des notes et un masque de plongée ?… ou cela doit-il faire l’objet d’une nouvelle loi ? On y expose également mon invitation pour des conférences à la SUFRAMA et des filets de pêche. Ces derniers étaient bien les seules choses que Mme Nelbe Ferraz de Freitas, la Delegada chargée de l’affaire, aurait pu confisquer en plus des poissons préservés, compte tenu du chef d’accusation retenu à notre encontre, et en application de l’art. 30. § 1º III – « … apreensão das amostras de componentes do patrimônio genético e dos instrumentos utilizados na coleta… » – qui autorise la confiscation des spécimens (amostras) et des instruments de collecte… Au lieu de cela, elle conserva la totalité de notre matériel… Est-ce donc légal au Brésil ? Cela contredit assurément la loi existante. Et, bien sûr, le symbole dominant toute la scène est celui de la P.F. Les quelques poissons morts ne sont même pas montrés. 

 

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Ce journal portait aussi le mot « Biopirateria » à sa une du 30 août 2008. Encore une fois, cette accusation calomnieuse ne peut qu’émaner de la P.F. (dans l’objectif de se rendre plus populaire ?). Le superintendente de la Policia Federal, Sérgio Fontes, a manifestement voulu faire un exemple (tout comme la Delegada de Freitas) en déclarant que c’était « un grande esforço da PF e do IBAMA », un beau travail (ou un bel effort) pour protéger la propriété génétique de l’Amazonie contre nous et qui servirait d’avertissement pour tous les étrangers… Il en profita même pour prétendre qu’ils étaient sur mes traces depuis longtemps, alors que tout le monde connaît mes voyages et avec quelle régularité je me rends au Brésil et en Amazonie (plusieurs fois par an). En ajoutant que tout cela avait été fait avec une réelle intention de nuire, qui justifiait mon emprisonnement et que j’aurais à payer pour ces méfaits… 

 

Eh oui, à cause de mes travaux en prévision pour Amazontur, j’avais emporté des spécimens de poissons morts, que j’avais photographiés pour certains et dont je ne pouvais pas identifier l’espèce. Ils étaient conservés dans la formaline, certains dans l’alcool, et une partie d’entre eux provenait de Leticia (Colombie) comme je l’ai précisé immédiatement à la P.F. L’identification de ces poissons n’était pas seulement importante pour le site de l’Amazontur, mais aussi dans la perspective qui est la mienne (et qui l’a été tout au long de ma vie) de rendre compte de la biodiversité de la planète Terre, toujours un peu plus et un peu mieux à chaque fois. La chose est essentielle dans notre compréhension de la complexité (aquatique) de la nature. Et je me dois d’ajouter – car peu de gens s’en rendent compte – que comme le prouvent les relevés, la plus grande partie de la biodiversité de cette planète a été répertoriée par des passionnés, des naturalistes, des voyageurs, des explorateurs privés ou travaillant pour des instituts, des personnes qui en ont tiré bien peu de gains et ont plutôt consacré leurs propres ressources à cette découverte de la nature. La majorité de ces personnes, durant ces 250 dernières années, ont financé de leur poche leurs expéditions et ce que cela comporte. Nos connaissances actuelles tiennent d’elles, et j’y inclus ma sœur Irène, mon frère Michaël, ma mère Amanda Flora Hilda Bleher et mon grand-père Adolf Kiel (pour ne citer que ma famille). Aucun gouvernement ou institution ne les a financés et pratiquement personne n’a été sponsorisé, dans le passé, pour faire de la recherche sur de petits poissons et des plantes aquatiques. Ces personnes l’ont fait par amour de la nature et n’en ont jamais tiré de richesses. La plupart sont morts très pauvres (et je ne veux pas citer de nom ici). Il y a très peu de gouvernements qui financent ce genre de travail, tout simplement parce que cela ne rapporte rien. Qui se soucie d’un petit poisson (qui ne vaut pas la peine d’être mangé) ou d’une « herbe » dans l’eau – si ce n’est la P.F. pour attirer l’attention ?

Les relevés (mondiaux) de la biodiversité, et tout particulièrement en eau douce, demeurent (très) insatisfaisants alors qu’à chaque minute, nous perdons plusieurs espèces, non seulement à cause du réchauffement global et de l’assèchement de notre planète, mais plus encore à cause de la destruction des habitats, de la pollution continue (et incontrôlable) des cours d’eau et des lacs, du gaspillage du pétrole, des incendies de forêts ainsi que du blocage ou de la dérivation des ruisseaux, des lacs et des rivières. Et je n’entrerais pas dans le détail en matière de barrages hydroélectriques et de l’incroyable aveuglement de l’Homme, qui répète inlassablement les mêmes erreurs, que ce soit en Amazonie, ailleurs au Brésil, en Amérique du Sud, en Afrique, etc.

Mais reprenons le fil des événements.

J’ai donc expliqué pourquoi je détenais des poissons conservés que j’avais destinés aux ichthyologistes suivants pour identification des espèces : Wilson J. E. Costa de l’Universidade Federal do Rio de Janeiro et Mario de Pinna du Museu de Zoologia da USP de São Paulo (tous deux au Brésil) ; Richard Mayde de l’University of St. Louis (EU) ; Sonia Fischer-Müller du Muséum d’Histoire Naturelle de la Ville de Genève (Suisse) ; Bruce Collette du Smithsonian Institute, Washington D.C. (E.U) ; chacun spécialisé dans ce groupe. À ce propos, je dois dire aussi une chose que beaucoup d’entre vous ignorent : depuis plus de 20 ans maintenant, je sponsorise (et dirige) aqua, International Journal of Ichthyology, reconnu dans le monde entier comme une des publications scientifiques majeures, dont le contenu est contrôlé par un comité d’experts et à la parution trimestrielle. Certains des ichtyologistes cités (notamment les 2 Brésiliens) font d’ailleurs partie de la rédaction. Cela me coûte plus de 20 000 euros par an. Aucun gouvernement, aucune institution ne finance la revue et c’est la seule publication scientifique toute en couleurs dans laquelle chaque ichthyologiste ou scientifique peut publier librement. J’ai lancé aqua pour aider à l’amélioration de notre connaissance de la biodiversité aquatique et de ses poissons, et aussi parce qu’à l’époque il n’existait qu’une seule publication scientifique dans ce domaine (en France) qui publiait quelques photos couleurs (y compris en herpétologie), et je voulais que le public, y compris les profanes, voient la beauté naturelle des poissons et pas seulement des spécimens préservés et rabougris que seuls des scientifiques peuvent identifier, au mieux en les mesurant ou en lisant l’étiquette… Et jusqu’ici, aqua demeure la seule revue scientifique privée – entièrement financée par mes soins, elle a bénéficié de l’aide précieuse des remarquables éditeurs scientifiques que nous avons eus dans le passé, et jouit maintenant de la collaboration très suivie de Friedhelm Krupp, du Senckenberg Research Institute and Natural History Museum de Francfort, Allemagne. Reportez-vous au site qui lui est dédié :  www.aqua-aquapress.com

 

Ce matin du 29 août (n’ayant le temps de rien d’autre, puisque nous étions sortis de la jungle avec deux jours de retard), nous nous hâtions vers l’aéroport pour prendre notre vol. Je devais passer par l’Italie pour pouvoir honorer mes conférences à Česká LIP, à l’occasion de l’AQUA FESTIVAL 2008 (République tchèque), le 2 septembre, puis à la FIAM (Fiera Internacíonal da Amazonia) pour la SUFRAMA, le 11 septembre ; et retour à nouveau de Manaus, via l’Italie, pour des conférences à la Fourth International Conference of Pan African Fish and Fisheries Association à Addis Abeba, Éthiopie, qui commençait le 14 – la plupart de ces contributions restant encore à préparer.

Après notre enregistrement ce 29 août et sans qu’aucun bagage n’ait été passé aux rayons x (comme l’avaient prétendu la P.F. et la presse – l’un des nombreux mensonges de cette organisation à la presse, la TV, la radio et IBAMA), nous nous préparâmes à embarquer sur le vol de la TAM de Manaus à Guarulhos, pour une correspondance sur la TAP, vers Porto et Milan (et non Miami comme cela fut dit dans les médias).

Je devais encore aller au bureau de la Trip pour déposer une réclamation sur les incidents survenus la veille à Fonte Boa. À mon retour vers l’avion, je ne trouvai pas Natasha et j’étais le dernier à embarquer. Je prévins la TAM que je ne partirai pas sans ma femme. Je demandai à l’appeler et, après quelques minutes, je fus emmené à l’écart. Là, deux agents de la P.F. circulaient parmi nos bagages qu’ils avaient sortis de l’avion. L’un d’eux me déclara que je n’étais pas autorisé à parler allemand et que tout était confisqué. Nous dûmes les suivre jusqu’au quartier général de la P.F. à Manaus. La P.F. redéfaisait encore le tout, tandis que mes poissons préservés n’étaient pas cachés, mais rangés en haut de mon sac. Il nous fallut patienter de 12 h 30 à 17 h 30, temps pendant lequel la préposée, une femme du nom de Nelbe Ferraz de Freitas, Delegada de Policía Federal, 3e classe, matricule 16745, ne nous autorisa ni à appeler quelqu’un, ni à manger, ni même à bouger (nous n’avions rien mangé ce matin-là, mais elle était intraitable…). Par chance, depuis l’aéroport, j’avais pu appeler Asher Benzaken, l’exportateur de poissons d’ornement dont je connaissais la femme, Adèle Schwartz depuis son enfance, et je lui avais dit que la P.F. nous emmenait vers son quartier général. Il eut la bonté d’appeler un avocat et ils arrivèrent le soir. Après 20 h, nous pûmes les voir, en présence de deux Delegados. La femme, Nelbe Ferraz de Freitas, a alors soumis Natasha à un interrogatoire et le Delegado, Carlo Porto, a fait de même avec moi en présence de l’avocat, José Carlos Cavalcanti Júnior de Manaus. Je reçus enfin une tasse d’eau, mais toujours sans nourriture. Je n’avais toujours pas l’autorisation d’appeler un membre de la famille ou qui que ce soit, me voyant systématiquement répondre « plus tard ». Il était 23 h quand l’interrogatoire finit par se terminer et l’avocat avait trouvé de la nourriture de fast food pour nous – après 24 heures, nous pouvions manger. La P.F. a le pouvoir et pas de scrupules ; ils nous accusèrent de :

1. Art. 30.  Considera-se infração administrativa contra o patrimônio genético ou ao conhecimento tradicional associado toda ação ou omissão que viole as normas desta Medida Provisória e demais disposições legais pertinentes. (Vide Decreto nº 5.459, de 2005)
       

    § 1º  As infrações administrativas serão punidas na forma estabelecida no regulamento desta Medida Provisória, com as seguintes sanções:
       

     II – multa;
       

    III – apreensão das amostras de componentes do patrimônio genético e dos instrumentos utilizados na coleta ou no processamento ou dos produtos obtidos a partir de informação sobre conhecimento tradicional associado;


2. Art. 17.  Remeter para o exterior amostra de componente do patrimônio genético sem autorização do órgão competente ou em desacordo com a autorização obtida:
       

    Multa mínima de R$ 10.000,00 (dez mil reais) e máxima de R$ 5.000.000,00 (cinco milhões de reais), quando se tratar de pessoa jurídica, e multa mínima de R$ 5.000,00 (cinco mil reais) e máxima de R$ 50.000,00 (cinqüenta mil reais), quando se tratar de pessoa física.
       

     § 2º  Diz-se tentada uma infração, quando, iniciada a sua execução, não se consuma por circunstâncias alheias à vontade do agente.


3. Art. 70. Considera-se infração administrativa ambiental toda ação ou omissão que viole as regras jurídicas de uso, gozo, promoção, proteção e recuperação do meio ambiente.
       

     § 1º  São autoridades competentes para lavrar auto de infração ambiental e instaurar processo administrativo os funcionários de órgãos ambientais integrantes do Sistema Nacional de Meio Ambiente – SISNAMA, designados para as atividades de fiscalização, bem como os agentes das Capitanias dos Portos, do Ministério da Marinha.
       

     § 3º  A autoridade ambiental que tiver conhecimento de infração ambiental é obrigada a promover a sua apuração imediata, mediante processo administrativo próprio, sob pena de co-responsabilidade.

 

Le premier chef d’accusation (1) était que nous (je) avions pris du matériel génétique. Ce n’était pas le cas, puisqu’aucun des poissons morts ne présentait une quelconque valeur génétique. Ce qui a été attesté par le professeur Axel Mayer, de l’Université de Constance, Allemagne. En outre, on ne peut les considérer comme « patrimônio », vu que toutes les espèces collectées pour identification se trouvent aussi ailleurs (dans le bassin de l’Amazone et en Amérique du Sud). 


Le deuxième (2) chef d’accusation, qui devrait lui aussi ne concerner qu’une personne et ne pas inclure Natasha, nous reprochait d’avoir transporté ce matériel « génétique » sans autorisation. Sa validité reste également à vérifier puisque ce matériel n’était pas « génétique ».


Le troisième (3) chef d’accusation repose sur la Lei Ambiental brésilienne nº 9.605/98, où ne figure pourtant aucun texte qui interdise à quiconque de prendre ou de transporter un tel matériel (des poissons morts préservés). Et cela n’est pas sans signification, sinon tout poisson préservé vendu à Manaus et ailleurs au Brésil devrait être confisqué et son vendeur emprisonné. Or des milliers de poissons conservés non identifiés, comme des piranhas ne figurant pas sur la liste et des poissons-chats interdits, sont vendus chaque jour comme souvenirs.


Mais c’est au juge de statuer sur ce dernier point, étant donné que les deux premiers ne tiennent pas debout (ou, du moins, ne le devraient pas), lequel juge doit, avant toute chose, réclamer une audience.


Dès lors, la P.F. nous apprit que nous étions prisonniers sans caution et que tous nos biens étaient confisqués sans autre justification, c’est-à-dire tout en plus des poissons morts : les articles que j’avais écrits sur les Ghâts occidentaux, l’île de Misool, le Pamir, etc., comme mes conférences préparées sur le portable, mes notes sur des travaux en prévision et mon carnet de notes, mes agendas, tous les appareils photos, les flashes, l’équipement pour tester l’eau, les filets, la senne, tous nos vêtements, les objets d’hygiène, jusqu’aux brosses à dents, shampooing, savon, etc. La P.F. agissait comme elle l’entendait, en dépit de la Loi (ci-dessus) qui disait très clairement que seul le matériel en rapport avec les faits pouvait être confisqué ; et la Delegada Nelbe Ferraz de Freitas, jusqu’à ce jour (22-09-2009) refuse de restituer notre matériel ou ne serait-ce que me donner des copies de mes articles, notes, adresses, conférences, du disque dur de mon portable, etc. La seule Loi en vigueur aujourd’hui au Brésil, c’est celle de la P.F. et non celle qui a été écrite (ou plutôt, ils la détournent à leur avantage).


Deux gaillards de la P.F. nous conduisirent, dans leur voiture, dans un premier temps au palais de justice afin de fournir un document indiquant que nous allions être envoyés en prison. Nous passâmes ensuite dans un hôpital, où un médecin devait signer un document comme quoi nous n’avions pas été battus (pas comme le gars de Fonte Boa – pour cela, la situation semblait plus enviable à Manaus – probablement parce que dans le seul état d’Amazonas, il y eut 56 procès intentés contre des officiers de police, chaque jour, sur les trois premiers mois de 2008). Puis les deux jeunes chauffeurs de la P.F. perdirent le chemin de la prison (ou voulaient jouer aux petits chefs, avec leur sirène hurlant en continue), la Cadeia Publica, située au 7 de Settembro, dans le centre de Manaus. À 1 h du matin passée, nous arrivâmes à la prison et dûmes attendre encore une demi-heure parce que le gardien refusait de nous recevoir si tard (ou si tôt ?). Les policiers s’adressèrent ailleurs et, finalement, nous pûmes entrer. Je fus guidé vers la prison des hommes et, comme j’avais été à l’université, le gardien me dit qu’il me mettrait dans « l’Église » avec 6 autres détenus. C’était là la meilleure place qu’il pouvait offrir.

Je fus complètement fouillé et ils m’autorisèrent à prendre du papier toilette. « L’Église » était une cellule plus grande, sans lit, sans rien, juste un sol de béton avec un autel en ruines et des toilettes ouvertes dans le fond.
Je m’étendis sur le sol, mort de fatigue, et j’essayai de dormir. Le lendemain matin, à 6 h, on nous donna un quignon de pain sec et une demi-tasse de café sucré avec du lait en poudre. Je voulais parler au directeur de la prison, mais comme nous étions samedi, on me répondit que ce ne serait pas avant 10 h. À midi, je fus appelé et guidé, dûment menotté, au bâtiment principal.

Je fus à nouveau fouillé, photographié, on me posa des questions, les mêmes que la veille au soir, et tout fut retranscrit. Mais je dois ajouter que le directeur était aimable et appela l’avocat pour moi sur son téléphone portable, en l’absence de ligne téléphonique ici et personne n’étant de toute façon autorisé à appeler. Il avait fait exception parce que je venais de « l’Église », mais me précisa qu’ils (le service de renseignement ou la police) contrôlaient et écoutaient chaque appel, enregistrant toutes les communications – il y avait d’ailleurs, juste en ce moment, un grand scandale car il se trouvait que le Juge le plus haut placé de la Cour Suprême du Brésil avait également son téléphone sur écoute. L’avocat promit de venir dans l’après-midi.
Je fus encore fouillé, menotté mains dans le dos, et je retournai à « l’Église ». Un prisonnier me donna une brosse à dents et du dentifrice, un autre me prêta un bout de savon. Ils me racontèrent des histoires incroyables, dont je parlerai ailleurs…


L’avocat s’est présenté, avec Asher, vers 15 h. Menotté derrière un grand écran, je pouvais parler et j’ai demandé à voir Natasha, qui m’inspirait les pires inquiétudes. C’était un « enfer » pour moi, alors qu’avait-elle dû vivre, elle ? Elle n’était pas aussi forte, je ne pouvais rien faire et c’était moi qui l’avais entraînée dans ce piège, dans une situation qu’elle n’aurait jamais dû connaître. La P.F. n’avait pourtant pas le droit de l’emprisonner puisque les poissons morts étaient dans mon sac, mais ils faisaient ce que bon leur semblait. L’avocat m’a assuré qu’il faisait tout son possible et que je devais être patient parce qu’ils attendaient le Juge, et que le samedi et le dimanche, il n’y avait qu’un Juge de garde qui aurait été très probablement dans l’incapacité de nous libérer.


On ne me donna pas ce qu’ils avaient apporté, alors qu’il ne s’agissait que d’une brosse à dent et de dentifrice. Je regagnai ma cellule et une heure plus tard, je fus à nouveau menotté, fouillé et sorti pour attendre, dans le bâtiment principal, d’être emmené dans le pénitencier situé à l’extérieur de Manaus. Quand nous avons démarré, j’ai pu enfin voir Natasha de loin et nous prîmes la route. L’IPAD se trouvait au beau milieu de la jungle et avait été construite, il faut croire, par un architecte qui n’avait jamais érigé quoi que ce soit auparavant. Le bâtiment était dépourvu de système d’évacuation des eaux, et dans chaque cellule l’eau pénétrait presque partout par le toit (et comme il pleut tous les jours, les cellules étaient inondées en permanence et l’eau stagnait). Aucun endroit dans les cellules où l’on puisse se laver, à moins de se tenir sur les toilettes, sous la pluie, à cet endroit où le toit manquait quasi complètement.
Je fus menotté mains dans le dos et placé face au mur, à attendre devant le bâtiment, sous la pluie. Si j’essayais de regarder à gauche ou à droite, on me hurlait « Regarde le mur ! ». Je fus ensuite emmené dans un local carré, sans fenêtre ni poignée de porte à l’intérieur, où je dus ôter tous mes vêtements (à « l’Église », au moins, j’avais pu les garder). On me déclara que si j’étais correct et que je respectais les gardiens, eux aussi me respecteraient (ce qui ne fut jamais le cas).

On me forca à faire 3 tractions complètement nu, et puis on me donna un short à mettre, sans rien d’autre. À nouveau menotté mains dans le dos et placé contre le mur, je dus attendre. Plus tard, les 4 gardiens me conduisirent dans une cellule de sécurité où l’on ne mettait que les pires criminels, me dit-on. Les portes du couloir et des cellules ne s’ouvraient qu’avec des vis. Pendant qu’ils ouvraient lentement chaque porte, ils me replaçaient face au mur sans que je puisse regarder à gauche ou à droite. Arrivé devant la cellule on me mit les menottes devant. Puis une fois enfermé, on me demanda de tendre les mains à l’extérieur pour que l’on m’enlève les menottes. Je me retrouvais sur un sol de béton, avec un lit en ciment, sans matelas, sans hygiène, sans vêtements, sans essuie-mains, rien, si ce n’est un short dans une cellule remplie d’eau avec deux compagnons. L’un d’eux était là pour six ans, l’autre n’en savait rien. L’air était glacial à cause de l’humidité et du manque d’aération. Les 3 fenêtres en hauteur, de 12 cm sur 25, rendaient la circulation de l’air presque impossible. Le seul robinet aspergeait toute la cellule quand on l’ouvrait et c’était le seul équipement. Je réclamai un matelas au gardien parce que l’on m’avait dit que j’allais avoir un kit avec une chemise (de prison), des sous-vêtements, une serviette, du dentifrice, du savon, une brosse à dents, un morceau de mousse épais de 4 cm (en guise de matelas) et deux draps fins. Lorsque je renouvelai ma demande, on me répondit que ce serait seulement lundi, pas aujourd’hui, il me fallait patienter (nous étions samedi après-midi). Quand je demandai à passer un coup de téléphone, on me rétorqua : « Vous ne pouvez pas téléphoner ici, vous êtes en prison ». Et ma demande à parler au directeur, fut accueillie par un « Lundi » sans appel. Assez heureux de porter déjà un short, je n’eus plus qu’à m’asseoir sur le sol de béton humide et à lire les graffitis inscrits sur les murs : « Bem vindo ao puxa veneno » (Bienvenue pour la prise de poison). J’en demandai la signification à mes deux compagnons, et ils me répondirent simplement : « Qu’est-ce que tu penses pouvoir respirer ici ? ». Je devais donc patienter deux jours et deux nuits interminables, avec la nourriture la plus immonde qu’il fallait manger avec les doigts – puisque même une cuillère en plastique pouvait représenter ici une arme. Je ne pus me résigner à avaler cette bouillie faite de riz, de haricots noirs et de pâtes froides. Je donnai ma part aux deux gars. Le lundi, frigorifié et souffrant d’un terrible rhume, je reçus la visite du directeur à midi et je demandai à téléphoner et à recevoir le kit promis. Il dit aux gardiens que je devais être conduit au service « social ». Là, on me photographia à nouveau (toujours menottes dans le dos) et je fus interrogé pour la troisième fois. Je dus indiquer toutes les maladies que j’avais eues. Tout mon corps empestait, après ces trois jours sans pouvoir me laver (je crois que ça ne m’était jamais arrivé). Finalement, la personne du service social me dit que je pourrais voir Natasha, mais comme ils n’avaient pas de véhicule, ce serait seulement le lendemain. Il y eut un conciliabule interne suite auquel le préposé m’annonça que je n’avais rien à faire ici, que ce n’était pas en accord avec la loi et il appela mon avocat. J’ignore ce qu’il lui raconta, mais il lut un article de la Lei Ambiental et me montra ce que je savais depuis longtemps, que ce genre d’interdiction ne pouvait concerner des poissons morts préservés ou leur transport (voir plus haut).
On me reconduisit dans ma cellule et, enfin, après trois jours, on me donna un t-shirt, un sous-vêtement, deux draps fins, une brosse à dents cassée (entière, elle aurait été perçue comme une arme), un bout de savon et une serviette et, l’après-midi, je pus gagner les toilettes ouvertes, où le toit manquait, et je me lavai à coups de petites tasses en plastique, remplie à la seule source disponible qui aspergeait toute la cellule…

Tard dans l’après-midi, je fus à nouveau menotté et on m’emmena dans le bâtiment des longs séjours (quand ce n’est pas à perpétuité), celui des violeurs. L’IPAD est constituée de 3 bâtiments principaux, en plus du quartier de sécurité ; chacun est composé de 2×48 cellules sur deux niveaux ; l’un est réservé aux violeurs, un aux dealers et le troisième aux assassins. La cellule où je fus transféré, la n°102, portait à l’entrée le nom de Jésus et comptait 4 lits en béton, mais au moins, j’avais mon « matelas »… La cellule était encore plus petite, mais pour 4 occupants, faisant 2,2 m sur 2,5, toujours avec de minuscules fenêtres et sans évacuation d’eau. Les toilettes étaient placées près de l’entrée, de manière à ce que l’on puisse tout voir et je pensais seulement : « Combien de temps vais-je rester ici ? ». Quand les gens se lavaient dans les cellules du haut, toute l’eau tombait dans les cellules du bas. Comme j’avais étudié l’architecture, la seule chose que je pouvais dire était que cet architecte-là devait avoir un (gros) problème…

Je n’ai jamais vu une construction récente faite avec une telle incompétence.
Heureusement, les 3 autres occupants étaient très aimables et ils prièrent Jésus, le soir, de 18 h à 21 h, malgré l’extinction générale des feux à 20 h. Ils chantaient aussi et remerciaient Dieu de recevoir de la nourriture chaque jour. Les mêmes chants et prières reprenaient à 5 h jusqu’à 8 h 30, et jusqu’à 9 h dans certaines cellules. Chaque occupant de chacune des 96 cellules avait le droit de chanter (même s’il en était incapable, mais aux yeux du Christ, tout le monde est égal), aussi longtemps qu’il le voulait. S’il n’avait pas fini à 9 h 30, il continuait le soir.
A 11 h, le mardi 2 septembre, je fus convoqué pour récupérer tous mes biens (je n’avais rien) et je fus encore menotté, une fois à l’avant, puis dans le dos, puis à l’avant, puis à nouveau dans le dos, face au mur, marchant le long du mur, mais toujours tourné vers le mur, avant d’attendre près d’une heure environ contre le mur.

Enfin, on me conduisit à l’endroit où mes vêtements étaient conservés. Je pouvais m’habiller et devais signer une déclaration qui attestait que j’avais tout récupéré. Une nouvelle attente s’ensuivit, jusqu’à ce que j’aperçoive l’avocat à l’extérieur. Finalement, le juge – celui-là même qui avait refusé notre libération le lundi – nous relâchait le mardi à notre seconde requête. Nous roulâmes jusqu’à la prison des femmes où se trouvait Natasha et, à 14 h, nous quittâmes enfin ce lieu invraisemblable. Il doit s’agir de l’une des pires prisons existantes sur Terre et la plus inhumaine, à l’image des membres de la P.F. que j’avais croisés. Et dire que le Président Lula était venu en personne inaugurer ce complexe…


Nous sommes désormais libres, mais cette liberté est conditionnelle : nous sommes dans l’obligation d’informer le juge de chaque pas que nous faisons, que ce soit au Brésil ou ailleurs. Nous y sommes tenus chaque fois que nous quittons pour plus de huit jours notre lieu de résidence et ceci jusqu’à ce qu’il prenne une décision et demande ou non une audience. Un procès est possible si l’accusation n’est pas retirée. Nous ne savons pas. Nous verrons. Cela peut prendre des années, comme pour d’autres affaires…


Mais le fait est que 3 des chefs d’accusation sont (ou devraient être) nuls, puisque :
1. Nous n’avons jamais collecté de poissons dans des régions protégées ou interdites ; au contraire, nous les avons toujours évitées (c’est la raison pour laquelle nous avons dû voyager des jours entiers sur le Jutaí) ;
2. Aucune des espèces qui ont été préservées n’est interdite ou protégée sur la liste de l’IBAMA.
Reste le fait d’avoir transporté des spécimens morts de poissons « génétiques » qui sont sans intérêt ou valeur sinon pour des ichtyologistes en mesure d’identifier les espèces. De plus, lesdits poissons n’ont rien à voir avec du matériel susceptible de représenter une valeur génétique comme, par exemple, une plante, une fleur, une semence ou une écorce d’arbre, ou des animaux vivants qui peuvent être vendus ou commercialisés.
Voilà un fait que personne ne peut nier, pas même la P.F. ou l’IBAMA. Mais, bien sûr, la P.F. comme l’IBAMA recherchent la notoriété. Comme ils ne poursuivent pas les vrais criminels (ou ne le veulent pas, ou sont payés pour ne pas le faire), à la place j’ai représenté pour eux, de par ma notoriété qui dépasse le Brésil, un « gros poisson » susceptible de leur permettre de redorer un tant soit peu leur blason, étant donné qu’au Brésil (ou ailleurs), le public a peu de respect pour leurs actions. Jetez un coup d’œil sur les commentaires venant du Brésil et des autres pays. Sans vouloir citer personne ici, permettez-moi juste de rappeler ce que j’ai vécu quand j’ai écrit mon livre sur l’Amazonie, Bleher’s Discus, Volume I:

IDans une série de villes et de villages amazoniens, l’autorité locale a pris l’argent et a disparu. Et personne ne les poursuit. Cela s’est passé dans nombre de localités (je peux donner les noms de toutes, et de chacune en particulier, à celui qui le désire). L’un d’entre eux a été jusqu’au point de voler plus de 2 milliards de réais (plus d’1 milliard d’euros) et est toujours libre. Tous les membres de l’IPAD connaissent l’histoire. Preuve que quelqu’un les protège au gouvernement. En revanche, personne n’est venu nous protéger, nous, alors que nous n’avions que de bonnes intentions dans tous les sens du terme et que l’Amazonie, le Brésil et plus largement le monde auraient pu tirer bénéfice de ces quelques poissons morts. Je souhaitais sincèrement aider l’état d’Amazonas à attirer des touristes du monde entier afin qu’ils apprécient ses beautés et ses spectacles uniques. À présent, je doute qu’il puisse profiter de ce qui se trouve écrit sur plus de 200 000 sites web et dans d’autres médias, partout dans le monde, suite à mon arrestation. Naturellement, je compte aussi des ennemis (ou plutôt des gens jaloux de mon travail dévoué pour inventorier les vertébrés aquatiques et de mes centaines d’expéditions dont ils ne peuvent que rêver), mais la grande majorité du public est suffisamment renseignée pour juger l’aspect positif de mon travail. Je désirais en faire autant pour l’état d’Amazonas. J’avais découvert des sites qu’aucune carte ne mentionnait. Telle cette rivière cristalline du système du Rio Negro, le plus grand cours d’eau noire de la Terre, et sa flore et faune aquatiques en tous points incroyables. Une rivière avec des lacs, unique sur notre planète, 100 fois plus belle et plus grande que cette petite portion d’environ 700 mètres du Rio Bonito, dans le Mato Grosso do Sul. Ou telle la plus haute chute d’eau du Brésil, qui ne figure sur aucune carte et où l’eau tombe de 400 m d’un tepui, fantastique. Telles aussi ces régions inexplorées de paradis naturels, jamais vues par les Blancs, ces cours d’eau et ces lacs inconnus que l’on ne peut repérer que sur de très bonnes cartes google (si vous les cherchez, mais alors ce n’est jamais la même chose). Et je pourrais énumérer tant d’autres choses. Certains de ces exemples figurent dans mon livre et dans certains de mes articles, mais la plupart de ces lieux exceptionnels restent encore inconnus.


out ceci fait partie de l’histoire désormais.


La SUFRAMA a annulé ma conférence sur le tourisme et ses possibilités dans son projet de développement de l’état d’Amazonas ; Amazontur et le gouvernement de l’état amazonien ont résilié notre accord pour le site web exceptionnel que nous étions en train de préparer ; j’ai dû annuler mes conférences dans la République tchèque et en Éthiopie, etc., etc. Tout ceci à cause de quelques poissons préservés, des spécimens morts qui restaient à identifier au profit de l’Amazonie, du Brésil, de l’humanité, pour que les habitants de cette planète aient un peu plus conscience de l’incroyable biodiversité aquatique, pour les générations actuelles et futures.


J’ignore si la Policia Federal peut vraiment se réjouir de ce qu’elle a fait ; peut-être certains, comme Mme Nelbe Ferraz de Freitas et M. Sérgio Fontes, recevront-ils une médaille, mais je suis persuadé qu’ils ont nui à leur État et à leur pays au point que peu de touristes souhaiteront encore venir en Amazonie. On peut tirer les conséquences de ma petite expérience et de celles des quelques personnes dont vous pouvez lire les propos (voir commentaires dans le monde), one can get the message.
Qui souhaite aller dans un pays où la Police Fédérale représente la seule autorité et où elle dispose des pleins pouvoirs ? J’ai personnellement vécu ce genre d’expérience sur deux jours et ai entendu beaucoup de témoignages de personnes qui ont connu pire encore, alors qu’elles n’avaient rien fait (je parle tout au moins de choses graves). Bien au contraire ; mes deux amis danois ont par exemple été volés et battus devant l’hôtel Anna Casia, lors de ce voyage, un dimanche matin, dans le centre-ville de Manaus, dans la plus grande indifférence de la P.F. Cette dernière préfère visiblement poursuivre les aquariophiles et les scientifiques qui n’ont que des visées positives pour leur pays. Cela, chers PF, IBAMA et Gouvernement amazonien, ne vous vaudra jamais de publicité positive pour le Brésil. Vous devriez commencer à vous en soucier et vous devriez tous examiner les deux côtés de la médaille, afin de savoir ce qui est bon pour votre état.


Le Brésil est en train de se perdre – comme jamais – sous la législation actuelle, qui rappelle (et je ne suis pas le seul à le dire) l’ère révolue du communisme en Europe de l’Est. La seule différence, c’est que, sous le communisme, le respect de la loi et de l’ordre étaient plus en vigueur qu’à présent au Brésil, sous le joug de la P.F. et de l’IBAMA – du moins en ce qui concerne la nature, la vie sauvage et la biodiversité.

 

Commentaires dans le monde…

 

Bio-piraterie ou fondement de la science ? (en anglais)…

 

 

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